J’ai laissé, je n’ai pas assez senti ce qui m’entourait, pas assez aimés ceux qui étaient près de moi | j’ai laissé, j’ai détourné le regard un jour de grande faiblesse. Je sens encore la peur de ce matin-là | j’ai laissé faire, je n’ai pas élevé la voix, vision trop courte, manque de réflexion | j’ai laissé aller, je ne savais pas penser, j’ai appris à panser dans la douleur.
J’ai été aimée, chérie sans geste d’amour | j’ai voulu changer de langue, apprendre un autre monde | j’ai écouté les notes de musique | j’ai eu la tête dans les nuages | je me suis laissée porter.
J’ai vu le vent d’un bord de mer jouer avec les châteaux de sable, j’ai écouté les vagues chargées d’écume lécher les pattes du chien noir | j’ai entendu les rouleaux gronder, arracher la vie, ouvrir un gouffre sans fond | j’ai coupé mes cheveux pour réconforter celle qui n’en avait plus | j’ai vu le ciel prendre feu, j’ai lancé des étincelles dans la nuit qui ont rejoint les étoiles.
J’ai porté ma sœur au bout du chemin, j’attends encore un mot, un signe, un rêve de là-bas | j’ai vu un visage sur un autre, j’ai entendu un rire du passé résonner dans le présent | j’ai gardé à l’intérieur les yeux aux prunelles grises qui regardaient le monde sans ciller | J’ai crié si fort à l’intérieur que je suis sortie de mon corps.