Souvenirs en héritage

© Khedidja Berassil, les mains de Mirella S.Elle désigne une pile de notes, de carnets, et de cahiers dont quelques feuilles se détachent. Elle me dit qu’elle me confie « toute sa vie et même plus ». Je lui demande ce qu’elle entend par là, elle me répond qu’il y a dedans ce qu’elle n’a « jamais pu dire ».
Elle est toute frêle, toute légère comme un parfum de fleurs de printemps, et pourtant si vive de l’intérieur. Les cheveux courts sont d’un blanc lumineux, ses mains à peine noueuses. Aujourd’hui, elle a mis des boucles d’oreille à clip, elle ne s’est jamais fait percer les oreilles.
Elle va sur ses 97 ans. Dans son appartement, elle s’appuie sur les murs pour aller et venir. Elle a encore le goût de la vie, des rencontres, une curiosité intellectuelle insatiable.
— J’ai principalement écrit en français, me dit-elle en roulant les R. Certaines pages sont en anglais, elles concernent ma vie aux États-Unis. Tu trouveras aussi quelques mots d’italien qui m’auront échappé dans mes récits d’enfance, ajoute-t-elle en riant.
Je prends l’un des cahiers. Elle écrit gros, le style est cartésien et direct comme elle qui ne coupe pas les cheveux en quatre. Je lui réponds qu’il y a assez de matière pour écrire une saga. Elle rit encore en levant un peu la tête.
— J’aimerais qu’on en fasse un recueil que je laisserai à mes enfants.

Texte d’atelier (07022024), Atelier Tiers Livre, François Bon, à partir d’un extrait de l’ouvrage de Judith Wiart, Pas d’équerre

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