Brouhaha et pas précipités. La voix de la maîtresse invite à faire attention. Les marches de béton carrelées. Les murs gris clair, les fenêtres, une par palier. On entend la lourde porte du rez-de-chaussée claquer entre les groupes d’enfants. Un lourd battement souffle à chaque va-et-vient. Les petites mains agrippent la rampe de métal peinte en gris plus sombre que les murs. Les doigts tachés par les feutres colorés et les paumes moites laissent une empreinte fugace sur le métal. Le flux se resserre, se dilate, respire comme un poumon géant alimenté par les pulsations rythmées de la porte battante du rez-de-chaussée. Toutes les classes sont vides. Un organisme à mille petites têtes, sautillant, marchant, courant palpite dans la cour. Brouhaha indistinct, rires aigus et appels se perdent dans l’air.
L’escalier résonne. Échos de pas pressés, brodequins et baskets martèlent les marches de chêne. claquement sec de pieds sautant deux degrés à la fois. Les mains glissent sur la rampe polie par des milliers de paumes, les barreaux de métal vibrent sous les assauts adolescents. Haut plafond et hautes fenêtres déversent une clarté d’hiver. Certains montent, d’autres descendent. Cinq minutes plus tard, le silence tombe comme un rideau. L’escalier est désert, seule la poussière danse encore dans les rayons obliques traversant les immenses fenêtres. Accalmie jusqu’à la prochaine sonnerie.
La pierre est blonde, chaque marche est légèrement creusée en son centre par l’usure des siècles. Les blocs parfaitement ajustés descendent vers la Seine. Des pieds du monde entier se croisent, montent ou descendent sous une lumière d’été. En bas, l’épaule contre le mur de pierre qui soutient l’escalier, un homme attend. Sa fumée de cigarette dessine de minces volutes. Odeur de tabac blond. Patient, il observe passer un bateau-mouche bondé de touristes joyeux qui saluent au loin. Indifférent, l’homme souffle la fumée de sa cigarette.
L’escalator s’élève lentement. Les gens se serrent à droite. Instinctivement. Les gens pressés se faufilent sur la gauche. Les marches métalliques scandent un rythme régulier qui résonne contre les carreaux de faïence blancs de la station Montparnasse Bienvenüe. Lumière blanche et froide. Inox brossé aux reflets douteux, moutons de poussière et crasse accumulés dans un coin. Le voyageur prudent évite de tenir la rampe de caoutchouc. Chacun dans sa bulle, regard perdu ou rivé sur l’écran d’un téléphone. Palier intermédiaire, carrefour vers la sortie, la gare et d’autres correspondances. L’air est plus frais. Sur la droite, les portes automatiques s’ouvrent et se referment dans un souffle pneumatique. Un couloir plus large — la lumière change, moins artificielle, promesse du jour — mène aux escaliers de béton à la bordure de métal au bord de chaque marche usée par des milliers de pas. Les bruits d’en haut, coups de klaxon et circulation murmure la ville.