Le cri à tes côtés

Une rumeur se répand dans la cour de la maison arabe. La foule se concentre, les femmes pleurent. Tu ne sais rien, tu ne comprends rien. Tu devines juste. Les hommes se sont venus pour le porter. On t’appelle, tu avances, tu vois le cercueil avancer au-dessus des têtes, traverser la cour sous un soleil d’octobre. Puis, tu ne sais plus. Tu n’entends plus, tu ne vois plus, un cri si fort retentit à l’intérieur qu’il te sort de ton propre corps. Tu n’es plus là. La douleur est trop forte. Tu refuses l’instant. Tu disparais dans ce cri qui ne sort pas, dans ces larmes qui ne viennent pas. Tu ne sais plus. Tu n’es plus là. Tu as disparu dans ce cri, sidérée par son intensité.

Une femme te saisit par les bras, tu l’entends dire « courage, courage »,

tu te dégages, tu es à l’entrée de la grande maison. Tu as traversé la cour inconsciente. Tu regardes le cercueil qui remonte la rue. Tu entends les prières. Tu cherches ta sœur qui suit discrètement les hommes. Le nez dans son écharpe, elle est enfouie dans sa douleur. Elle avance tête baissée. On vous met dans une voiture que l’on gare près du cimetière pour que vous le voyiez partir. Les pelletées de terre sont rapides, efficaces. Des prières. Et le père n’est plus. Le premier deuil d’une vie, l’apprentissage de la mort, tu as 34 ans. Le cri retentira pendant de longues années, te vrillera les tripes jusqu’à ce que tu tolères la vie avec son écho.

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