Témoin de vies

Observatrice silencieuse du passé, elle porte encore les traces des griffes du chien refusant d’être laissé seul dehors ou cherchant désespérément à sortir quand la maison était vide. Ces marques, gravées dans le bois massif, racontent l’histoire d’un lien entre l’animal et les habitants de la maison que la porte entravait à peine. D’une beauté rustique, elle témoigne d’une autre époque. Fabriquée lors de la construction de la maison, c’est une pièce unique, symbole d’un savoir-faire ancien délaissé par les ouvrages modernes. Dans sa partie supérieure, elle présente une ouverture, autrefois destinée à laisser entrer la lumière, aujourd’hui scellée par un verre épais devant lequel un bouquet de fleurs en fer forgé protège des intrusions. Empreinte d’histoire, elle est bien plus qu’un simple accès, elle a traversé les générations et les épreuves du temps. Elle a entendu les éclats de joie et les rires d’enfants qui résonnaient dans la maison. Elle a senti les tremblements de la femme, trois fois traversée par les douleurs de l’enfantement. Elle a claqué, sous le coup de la colère ou de l’agitation, tard dans la nuit, elle s’est ouverte avec douceur, pour se refermer en silence, après le passage discret d’une silhouette. Orientée plein nord, la porte de chêne a été le témoin immuable de la transformation du quartier. Autrefois, elle s’ouvrait sur des parcelles maraîchères, où les odeurs de terre et de légumes fraîchement cueillis flottaient dans l’air. Peu à peu, le paysage a changé, les champs ont été recouverts de bitume, les jardins ont disparu, les rues pavillonnaires ont pris la place des terres fertiles, les immeubles ont poussé autour. Le grillage simple qui entourait le jardinet familial a été remplacé par un austère festonnage noir plus haut et plus imposant. Mais la porte est là, impassible, résistant à l’usure du temps, gardant en elle les souvenirs d’une autre époque. Les voitures défilent, là où autrefois, seuls les pas des voisins animaient le quartier. Au-dessus de la porte, une marquise ouvragée ornée de fleurs de métal lui tient compagnie. Sous son ombre, la porte défie le temps. Derrière la porte, s’ouvre l’escalier de bois, solide, centenaire, il a vu tant de vies passer, plusieurs générations ont monté et descendu ses marches, il semble que des pas d’enfants y résonnent encore.

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