les yeux ouverts scrutant l’obscurité, seule dans la nuit immense qui déverse sans égard une avalanche de souvenirs, de routes empruntées, de portes désormais fermées, la nuit, seule, ruminant les mots perdus qui n’ont pas été dits, les mots maladroits impossible à rattraper, les mots n’ont pas le même sens quand ils sont dits la nuit, les enfants ont grandi, la nuit, le vide est plus grand malgré le souffle tout proche, seule, les yeux tournés en dedans, malmenée par le roulis des émotions quand tout est endormi, quand chacun est en suspend jusqu’au matin, je marche, seule dans les rues obscures et vides, la nuit, un monde différent, fantastique, le son d’un pas n’est pas celui d’un pas, celui d’une roue de vélo au loin effraie, toutes les couleurs se ressemblent, le vent soulève les débris de fleurs de platanes mêlés à la poussière, les yeux brillants sont invisibles
Texte atelier François Bon, Tiers Livre cycle été 2024