Un accueil en fanfare

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Récits géolocalisés

Texte écrit dans le cadre de l’atelier d’écriture collective de Mathieu Simonet. L’auteur invite les habitants à écrire leur version de la ville.Vous êtes ici à Malakoff
Printemps 1996.
Mon mari et moi venons d’acquérir une vieille maison de briques blanches sur Malakoff. Après le décès des précédents propriétaires, un vieux couple sans enfant, les lieux sont restés inoccupés plusieurs dizaines d’années. Il y a beaucoup de travail pour rendre les lieux habitables, il faut créer deux salles de bains et des toilettes. À cette époque, celles-ci sont dans la cour.
Nous avons toujours vécu en appartement à Paris. Nous ouvrons une voie nouvelle, nous sommes les premiers propriétaires de maison dans la famille et parmi tous nos amis. Quelques membres de la famille et quelques amis nous ont rejoints pour décoller le vieux papier peint des murs.
Après plusieurs années de silence, la maison s’emplit de bruyantes conversations mêlées de français et d’arabe. Nous rompons un silence que certains voisins ont toujours connu. Les rires sonores retentissent dans la cour. Les mots parlés fort s’envolent par les fenêtres grandes ouvertes et rebondissent sur les murs du voisinage. Nos éclats de voix animés et joyeux balayent le silence du quartier. La journée est ensoleillée, l’humeur chantante. Des fenêtres voisines s’ouvrent, d’autres se ferment. Les voisins s’étonnent de ces bruits nouveaux, mais aucun d’eux ne vient nous voir. Nous n’y prêtons pas attention.
Je suis énorme, j’attends mon premier enfant. Pour mes trente ans, j’aurai un fils. Je suis radieuse, dopée par les hormones et ma jeunesse. Nous décollons plusieurs couches de vieux papiers peints dans les chambres. Nous avons loué une décolleuse, les plus courageux humidifient les murs à l’éponge et retirent patiemment des lambeaux de papier peint.
Vers 13 h, la faim se fait sentir, une belle-sœur arrive avec un plat de couscous gigantesque. Nous nous installons sous le porche habillé de deux petits bancs de bois bleu ciel. Un mince grillage de la même couleur que les bancs, une haie d’althéas et un grand laurier sauce nous séparent de la rue. Installés sur les petits bancs bleu ciel, nous mangeons quand plusieurs voitures de police, gyrophares sur le toit, sirènes hurlantes pilent devant la maison. Stupeur. Mon mari va à la rencontre des policiers. L’un d’entre eux annonce « on a été alerté par les voisins ». Les voisins ont alerté la police. Qu’ont-ils bien pu raconter pour qu’on envoie un tel déploiement de force ? On sent une tension chez ces hommes prêts à rencontrer le pire. Les policiers sont jeunes, quelques-uns sont en jean-basket, d’autres en uniforme.
Mon mari présente notre attestation de propriété. Les policiers observent notre repas, certains ont peut-être faim. Ils repartent plus détendus. L’un d’eux emporte même un bouquet de laurier-sauce car « c’est bon dans les plats mijotés ». KB

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