Il a neigé cette nuit

© Pexels – Brett Sayles

Sans faire de bruit, il a neigé cette nuit. La rue est blanche, la chaussée déjà grise. Un enfant a écrit « Prout ! » sur le capot de ma voiture. Le bout de mes doigts pique, de la buée sort de ma bouche. Je m’enferme dans l’habitacle comme dans une grotte enneigée. Je ne mets pas encore le contact, je rumine. Pourquoi me rappeler cette scène ? Il n’y avait pas de manigance ni d’envie de trahison. Tu m’avais appelé alors que j’étais seule, cela m’avait fait grand plaisir. Je cherchais désespérément un sujet de conversation pour te garder plus longtemps près de moi. La botanique revient souvent dans nos discussions. Un choix neutre et apaisant. Il est entré silencieusement, pour une fois. Éructations, déclamations, recherches d’attention immédiatement mise en veille, il se faisait tout petit pour profiter d’un moment partagé à distance. J’ai laissé le haut-parleur sans te le dire. Sa joie d’entendre ta voix trop rare était trop belle. Aucun secret d’État ne fut divulgué. Nous n’abordions que des banalités, elles m’étaient si précieuses. Soudain, un hurlement traversa l’air, la sonnerie de portable sans lequel il ne vit pas, sans lequel il entre dans un état d’angoisse proche de la crise de panique. Tu l’as entendu, tu t’es senti espionné, trahi. Tu ne m’as plus jamais fait confiance. Tu ne m’appelles pas. Tu ne prends pas de mes nouvelles. Tu réponds rarement à mes messages. Sans faire de bruit, il a neigé cette nuit.

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