Le coup de grâce

Je n’ai pas pu résister. Je l’ai vue partir alors que je rentrais, je n’ai pas pu la quitter des yeux, c’était plus fort que moi. J’ai balancé mon sac de voyage dans le jardin, puis je l’ai suivie de loin. Je me sentais dans la peau d’un détective privé. Quel plaisir de la voir sans qu’elle ne le sache ! J’ai failli la perdre quand elle a sauté dans un bus.
J’ai eu de la chance, un taxi passait par là au même moment. J’ai lancé comme dans les films d’action « suivez ce bus, sans vous faire remarquer ». Le conducteur a souri, une course qui changeait du quotidien.
Ma femme est grande, légèrement plus grande que moi. Quand on arrive quelque part, c’est elle qu’on regarde, on se retourne sur son passage. Elle est belle. Parfois, je suis fière et à d’autres moments ou en même temps, cela me met en colère. Elle est tout pour moi. On a prévu de faire un enfant, c’est quand même un cap important.
Je la vois descendre du bus, je demande au taxi de se garer un peu plus loin. Elle pénètre dans la clinique où nous sommes allés tous les deux faire des examens. J’ai accepté de faire des analyses pour lui faire plaisir. Pourquoi y retourne-t-elle sans moi ? A-t-elle des problèmes ? Je décide d’attendre dans la brasserie d’en face.
Ça fait deux heures qu’elle est entrée. Elle sort, elle est pâle comme un linge. Elle n’a pas l’air dans son assiette. Elle lit des papiers, puis les range dans son sac.
Je verrai ce soir de quoi il s’agit. Il faut que je file, je dois rentrer avant elle, sinon elle trouvera mon sac dans le jardin.

Lorsqu’elle met la clé dans la serrure de la porte d’entrée, je suis dans le salon, je prends l’apéritif devant les infos.
– Où étais-tu ? On s’embrasse, je la suis dans la cuisine.
– Je faisais quelques courses pour le repas de ce soir. Elle pose un sac bien rempli sur la table et entreprend de ranger ses achats.
– Tu es rentré plus tôt, je t’attendais en soirée.
– Un client a annulé une livraison au dernier moment, ça m’a libéré.
Je regarde son sac à main posé sur une chaise. Je m’en rapproche. Je tends la main vers le sac, puis je me ravise à temps, juste avant qu’elle ne se retourne.

2h00 du matin, Mathilde dort, je me lève doucement.
– Où vas-tu ? Je m’arrête comme un gamin prit la main dans le pot à confiture. Je descends boire un peu d’eau.
– Il y a une bouteille d’eau de mon côté. Elle me la tend les yeux fermés.
– Merci. Je bois quelques gorgées pour donner le change. Je n’ai pas soif. J’attends qu’elle se rendorme, puis je sombre malgré moi dans le sommeil.
Le matin, une odeur de café me caresse les narines. Mathilde s’est levée avant moi. Je descends sans faire de bruit, un somptueux petit déjeuner est prêt. Des fruits et du pain frais, du miel de sapin, mon préféré. J’ai une femme parfaite.
Mathilde est sous la douche. Je me jette sur son sac. Il n’y a aucun papier. Je pars travailler, je vais y penser toute la journée.
Ce soir, nous fêtons une grande nouvelle, nous avons décidé d’inviter nos parents. Nous avons sorti la belle vaisselle. Menu de fête à la mi-mars. Normalement, c’est Carême va me répondre ma belle-mère, mais je lui en boucherai un coin quand elle saura que la famille s’agrandit.
Je sors une chemise propre, elle est encore dans la housse du teinturier. Je me pique en ôtant l’étiquette. Je cherche un pansement. Il n’y en a pas dans l’armoire de salle de bain, j’ouvre le tiroir de sa table de chevet, un vrai fourre-tout. Sous des épingles à cheveux, quelques pansements. Bonne pioche. Je remarque quelques feuilles pliées, je les ouvre le cœur serré. Je m’assois sur le lit. Les analyses de ma femme ne révèlent rien d’anormal. Puis, sur la seconde pages les mots assassins défilent devant mes yeux : spermocytogramme… hypovitalité importante… anomalies du flagelle… nécrospermie significative.

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