J’entre dans la gare Montparnasse par l’entrée principale, par la grande verrière, ce côté de la gare qu’on appelle la porte Océane. De bon matin, je suis pressé comme ces gens qui vont du point A au point B sans se regarder. J’avise les escaliers mécaniques, sur ma droite ils descendent vers le métro, face à moi ils montent vers les quais. Je suis un peu anxieux quand je voyage. J’ai la hantise qu’un imprévu survienne et vienne gripper l’organisation de mon déplacement. J’attends devant le tableau d’affichage. Le quai de départ n’est pas encore indiqué. Je me dirige vers le quai 12, là où d’ordinaire je prends mon train. Mon train s’affiche quai 7. Demi-tour au pas de course. Une roue de ma valise résiste au changement de direction. Elle se détache. Je traîne ma valise, elle racle le sol. Il se déverse sur la capitale un flux de gens pressés courant du point A au point B sans se regarder. L’impression que cette foule me fait barrage. Une femme pressée me bouscule, elle part sans s’excuser. Je suis soucieuse quand j’arrive à Paris. Je crains un évènement imprévisible qui me ferait manquer mon rendez-vous, une grève surprise, un incident voyageur sur la ligne de métro, et j’en passe. Je descends les escaliers mécaniques vers le métro. Je marche sur la gauche, je double, je me faufile. Je suis pressée. Il y a foule, j’ai envie de pousser cette adolescente nonchalante qui prend son temps pour passer le portillon. Elle pose son sac sur le capteur. Le portique ne détecte pas son Navigo, elle le cherche, elle le trouve. Son sac se renverse, elle ramasse lentement ses effets personnels. Je vais l’étrangler. Les couloirs, je marche vite, je double, je me faufile. Les portes du métro se ferment devant moi. J’enrage. Prochain métro dans 6 minutes. Je tape du pied au bord du quai. J’attends la prochaine rame. J’ai laissé passer la précédente, trop de monde. Je ne pouvais pas monter dans cette cohue, rester stoïque, le nez dans les cheveux d’une personne, respirer malgré moi ces haleines du matin, poser ma main sur ces parois de métal infectes. J’attends la prochaine rame, un wagon où je pourrais au moins m’adosser contre un strapontin et ne rien toucher. Le quai se remplit de monde. Le métro arrive, il est bondé. Je recule, la marée humaine s’affronte, les entrants luttent contre les sortants. Je prendrais le suivant.