Dialogue avec Thierry Jonquet (1954-2009), romancier français, auteur de romans noirs et de nouvelles, mais aussi de romans pour la jeunesse et de BD
KB : Le polar.
TJ : Le polar, poésie des dessous de la ville, où l’on parle vrai, alors on le range au rayon divertissement.
KB : La violence.
TJ : La violence fleurit dans les conseils d’administration, pas dans les ruelles.
KB : Les monstres.
TJ : Les monstres en col blanc signent des contrats avec des stylos en or massif.
KB : La vengeance.
TJ : La vengeance, c’est quand les oubliés se souviennent enfin qu’ils ont des dents. Ce jour viendra.
KB : Le corps.
TJ : Le corps est marchandise. Son esprit rêve d’être un territoire libre.
KB : La métamorphose.
TJ : La métamorphose, la chrysalide crache sur le jardinier qui l’a enfermée… et s’envole.
KB : L’Espagne.
TJ : L’Espagne m’a appris que les fantômes de Franco dansent encore dans les ministères d’ailleurs.
KB : Le désir.
TJ : Le désir, on le vend en produit de luxe, on oublie qu’il est gratuit.
KB : La nostalgie.
TJ : La nostalgie de l’empire colonial, le parfum préféré des tyrans déguisés en républicains.
KB : La frontière.
TJ : La frontière, cicatrice que le capital trace entre les corps qui valent et ceux qui ne valent rien. Noyade.
KB : La fin.
TJ : La fin ? Elle viendra quand le dernier lecteur fermera le dernier livre et se demandera pourquoi il a laissé l’ordre ancien revenir au pouvoir, vendeurs de rêves pourris, auteurs de lois d’exception.