L’homme était debout dans le wagon du métro. Il devait avoir une quarantaine d’années. Cela dit, plus j’avance dans le temps et plus j’ai du mal à donner un âge aux gens. Il n’y avait pas trop de monde ce matin-là. Je pouvais l’observer sans être gênée. Il portait une mince alliance en or à l’annulaire gauche, ses mains étaient pâles, on pouvait voir le bleu de ses veines sur le dessus de la main. Il avait les ongles coupés proprement, ni trop longs, ni trop courts. Il avait le cheveu fin. Un futur chauve, me suis-je dit sur le moment. Il doit faire un métier dans le secteur tertiaire, cet homme n’est pas un manuel. Son imperméable était immaculé. Dans l’autre main, il tenait dans l’autre main une serviette de cuir noir. Je l’imaginais commercial ou ingénieur pour une grosse entreprise avec des centaines de salariés. Il n’est pas certain qu’il avait des enfants, car il émanait de lui une indéniable tristesse, peut-être due à cette absence rendant son appartement trop silencieux. Donnait-il le change en partant en week-end à deux heures de Paris ? Faisait-il du sport pour remplir ce vide ? Il se tenait droit sans effort, il avait un port altier. Il aurait pu lâcher la barre du métro sans tomber à l’arrêt suivant. À un moment, nos regards se sont croisés, j’y ai lu un étonnement puis très vite il a détourné les yeux. Il s’est mis face à la porte, me laissant voir ses larges épaules. Il est descendu à la station suivante. Je suis convaincue qu’il n’était pas arrivé à destination.